Empires, baronnies, dynasties, mais aussi défis, prises de risque et rivalités : ces douze hommes et une femme, tantôt en colère, tantôt tout en diplomatie, sont des éditeurs français, parmi les plus réputés. Ils incarnent l’âge d’or de l’édition, à une époque, à partir des années 1960, qui a vu croître ou renaître des maisons prestigieuses, des collections et donc, aussi, surgir de fortes personnalités d’éditeurs. Le biographe François Dosse marie habilement les hauts faits et les anecdotes, pour faire revivre ces figures, qui sont alors au carrefour des responsabilités éditoriales et financières conjuguées. Hommes de l’ombre, vraiment, comme le suggère le titre ? François Dosse voulait sans doute rappeler que, peu connus du grand public, ils étaient à la manoeuvre tout en restant en coulisses, dans une position de « passeurs » entre les auteurs et les lecteurs. Pourtant, ils sont d’abord hommes de pouvoir et de passion, chacun avec une « singularité » qui intéresse Dosse, mais tous soucieux d’assumer un destin de patron, jaloux de leur indépendance, évaluant leur influence à chaque instant, déterminés à imprimer à la maison qu’ils dirigent une identité littéraire.Ils sont donc treize, dont Dosse retrace les itinéraires, souvent croisés car tous se connaissent et, parfois, ont travaillé ensemble : Christian Bourgois, José Corti, Claude Durand, Paul Flamand, Claude Gallimard, René Julliard, Robert Laffont, Jérôme Lindon, François Maspéro, Maurice Nadeau, Charles Orengo, Jean-Jacques Pauvert et Françoise Verny. D’origine modeste, comme Claude Durand, ou « fils de », comme Claude Gallimard ; énarque en rupture de ban, comme Christian Bourgois, ou libraire, comme José Corti – ces deux derniers moins désireux de constituer un empire que de cultiver l’élégance d’un catalogue dont la fidélité et le talent devaient être les blasons. Bourreaux de travail, ils déjeunent en ville ou jeûnent, dorment souvent peu et établissent des codes pour réglementer leurs rapports aux autres. Les secrétaires, qui font barrage chez Gallimard, ne sont pas de mise chez Corti, lequel fumait la pipe dans les 60 mètres carrés de sa « boutique », rue de Médicis. Et si René Julliard, en réunion, se faisait passer des coups de fil imaginaires de Mendès France, Claude Durand, lui, écourtait les entretiens et décidait vite.La littérature dans tout cela ? Elle défile avec les auteurs cités, découverts ou transfuges, dorlotés ou convoités. Quant aux hommes de l’ombre, leur nom est derrière le catalogue des maisons qu’ils ont dirigées.
ebook - livre numérique - critiques - Les hommes de l"ombre - François Dosse
Sunday
ebook - livre numérique - critiques - Les hommes de l"ombre - François Dosse
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment